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108 REGISTRES
envoyées ausd. Prevost et Eschevins, le xvie jour de Janvier dernier passé, ont faict assembler plusieurs bourgeois et marchans de tous estatz d'icelle., à plusieurs et divers jours, ausquelz ilz ont communiqué les instructions et articles qu'il a pleu aud. seigneur leur envoyer par son Procureur general en son Conseil Privé, contenans le faict de l'érection d'une banque en lad. ville de Paris. Et pour iceulx plus amplement entendre, ont oy de vive voix Vincent de Sainct Donyno, en l'Oslel commung d'icelle Ville, en la presence desd, bourgeois et marchans. Et après l'avoir entendu, et sur le tout amplement deliberé, ont esté et sont d'avis, soubz le bon plaisir dud. seigneur que ce n'est chose convenable, utille ne prouf-fitable d'ériger en lad. Ville icelle banque, et que l'érection d'icelle tourneroit contre l'honneur de Dieu, dud. seigneur et de lad. Ville, pour les raisons desduictes et alléguées à ceste fin, qui ensuivent:
«Premierement, que lad. banque ne pourroit estre instituée, sans contrevenir directement à la loy et commandement de Dieu, tradition et constitution de nostre mere Saincte Eglise, au moyen de l'usure aparante qui se commectroit en la conduicte d'icelle, chose aliène de la profession d'ung vray chrestien, et de tout temps tenue pour exécrable et abho-minable en ce royaulme, mesmes du temps des feuz Roys Philipes Auguste et Philipes de Valloys, lesquelz, pour conserver le tiltre de Roys 1res chrestiens, bannyrent hors de leur royaulme toutes personnes exerçans usures et faisans traffique de banque; et à leur imitacion, le feu Roy feist plusieurs edictz et constitutions pour extirper lesd, usures, et, à ceste fin, establist juges particuliers et commissaires en sa court de Parlement, pour les pugnir.
"Secondement, l'érection de lad. banque tourneroit à la subversion des bonnes meurs, destruction de tous estatz, mestiers et vaccations honnestes de ce Royaulme. Et n'y auroit membre en la Republique qui n'en fut grandement affoibly et débilité;
«En premier lieu, quant à la noblesse, laquelle de son naturel est encline à liberalité et despence, ce seroit luy donner occasion de faire mauvais mesnage et consommer tout son bien prodigallement, sans penser à Ia conduicte de sa maison et à tenir prest l'équipage neccessaire pour aller au service du Roy, soubz l'ombre de l'esperance certaine qu'elle auroit de recouvrer deniers en lad. banque, toutes les foys que bon luy sembleroit; et qui est plus à craindre, après que lesd, nobles seroient une foys
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DU BUREAU [1548]
encrez et endebtez en lad. banque, il seroit bien diflîcillc et quasi impossible qu'ilz s'en peussent jamais retirer, sans parvenir à vile distraction de leurs terres et biens inmeubles, actendu le grand et excessif prouffit de unze pour cent qui courroit sur eulx, en actandant qu'ilz eussent la commodité de rendre les deniers qu'ilz auroient prins en lad. banque ;
Quant à la marchandise, laquelle ne se peult conduire, sans y employer grand soing et dilligence, soubz le hazard et évènement doubteux de la fortune, et encores le plus souvent à peu de prouffit, comme de quatre à cinq pour cent, elle seroit entierement dellaissée, et se trouveroit bien peu de personnes qui n'aymassent myeulx mectre leurs deniers en lad. banque, pour vivre en leurs maisons du prouffit qu'ilz en relireroient, en joye, repoz et seureté, que de s'entremectre de traffîquer marchandise en loinglaines régions, en travail de corps et d'esperit, et au danger et peril continuel de naufrages , destroussemens et autres cas fortuilz.
Le pareil se peult dire en general de tous autres estatz, car ayant quelque somme d'argent pour mectre à prouffit, ilz dellaisseroientleurs vaccation et mestiers ordinaires, pour vivre en oysiveté, qui est nourrice de tous maulx et la peste la plus pernicieuse qu'il sauroit advenir en la Republique.
Il seroit fort dur el estrange qu'on ostast au pere, à la mere, ou autres prochains parans, esleuz tuteurs, le gouvernement et administration du bien de leurs myneurs, pour le bailler à prouffiter à ung banquier d'estrange nation. Aussi il serait de très pernitieuse consequence qu'on fut contrainct réveler le secret des maisons et descouvrir la povreté, ou richesse latente.
Davantage, il seroit grandement à craindre que, au moyen du grand fond de deniers que les maistres de lad. banque auroient par devers eulx, ilz feissent, contre le nom de quelques personnes interposées, passer toutes marchandises par leurs mains, pour après les revendre à si hault pris qu'il leur plairoit, qui seroit une grande charge sur tout le peuple et ruyne totalle de l'estat de marchandise.
Le prouffit promis aud. seigneur ne seroit tel que l'inventeur de lad. banque s'efforce persuader, joinct que l'utilité ne peult estre separée de l'honnesteté; et sera beaucoup plus honneste et utille aud. seigneur de conserver son royaulme en tel repos et transqui-lité qu'il est de present, que de mectre les choses en
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